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Ça r’comminche

Lundi matin, un compartiment de train vers Bruxelles:
pour oublier le frimas déjà coupant du petit matin sur le quai, deux navetteurs originaires des capitales carnavalesques du Centre, se réchauffent les sens à grands coups d’invectives sur qui de La Louvière ou de Binche a toujours été, est et sera à jamais la vraie, la seule ou simplement la meilleure maison du gille… c’est reparti !
Chacun sort son catalogue de défauts, d’anomalies, de non-sens, d’irrespects , d’ignominies et de colliers de sonnettes à l’envers pour tâcher d’entacher la fête à l’Autre. Les Binchoux de gonfler leur cou rougeoyant comme de grossiers dindons en pré-coït, les Loups de répondre par de glougloutantes raclures de gorge qui rappellent le débouchage d’un sterfput graisseux.
Ridicule et inévitable lutte verbale qui relève de la cour d’école pour enfant misérable de la tête et qui ne relève jamais le débat. Des cargaisons de fois on l’a entendue cette dispute venteuse, des hectares de jours on l’a vécue cette margaille stérile et…
BLAM, ça r’comminche !
Mais cette fois ça ne se passera pas exactement comme d’hab. Sortie de derrière une banquette voisine, une tête simiesque s’excite en ces quelques mots : « ouais Binche, La Louvière… vous m’gonflez avec vos marmelades. Vos trucs et machins fêtes c’est rien d’autre que des sous-MONS. Vot’Gille, un sénile pantin de paille et chiffons dans l’ombre du brio de St Georges. Arrêtez de vous la péter sur le pavé bancal de votre médiocrité, la seule ville digne de célébrer quelque chose c’est la mienne, foi de Montois ! »
Un truc magique se déroule alors : pour la première fois depuis l’apparition des hommes à bosses, le Binchois et le Louviérois se lèvent comme un seul être, ils se rapprochent, se fondent dans le regard, se siamoisent. Faire face au terrible dragon qui dresse ses arguments de feu, ne semble que formalité pour les deux rivaux qui ne forment plus qu’un, un seul et magnifique bicéphale combattant de l’avant-midi. Dans un galop de paroles semblable aux sabots qui martèlent le bitume, les deux voix se mêlent. Vibrant encore de son écho dans les ruelles et sur les places du monde concerné, cette phrase immense lâchée en stéréo par le géant à collerette :
« Nous pour aller à ducasse, on prend pas son cheval ! » Et le dragon, refroidi, le faciès déformé par la grimace de celui qu’aurait pas dû l’ouvrir, s’aplatit sur sa banquette, s’écrase comme l’étron sur la faïence, se dissipe comme le gaz d’un macaque émasculé, disparaît comme il n’aurait jamais dû apparaître. Les choses remises à leur grand’place, les frères ennemis reprennent leur chamaille, là où elle ne finira jamais.

Commentaires

Anonyme a dit…
Ah cette histoire,... J'aurais adoré assister à qqchose de ce type là moi la binchoise exilée en zone boraine :)

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